Voici l´interview et des photos souvenir!!!
Entretien avec Eric-Emmanuel Schmitt, réalisateur
d'Odette Toulemonde'
1. Alors que vous n'avez jamais accepté de mettre
en scène vos pièces de théâtre, vous vous lancez dans l'aventure du cinéma avec
Odette Toulemonde. Est-ce un rêve que vous réalisez ?
Quand
j'avais dix ans et qu'on me demandait ce que je voulais faire, je répondais : «
Walt Disney » ! Pour moi, cela voulait dire cinéaste parce que je n'avais pas
encore affiné mon analyse et qu'à l'époque, je ne voyais que des dessins
animés. Après, je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas donné libre accès à ce
désir. Je l'ai toujours mis de côté, cela me paraissait au-delà de mes limites.
2. Quels sont les films et les cinéastes qui ont
eu une influence sur votre vie ?
Le
jour où j'ai pris conscience que le cinéma était un art, j'avais quinze ans et
je venais de voir Orphée de Jean Cocteau. Ce film m'a ébloui et je n'ai cessé
de le revoir. J'ai aimé cette histoire à la fois métaphysique et poétique mais
j'étais aussi en admiration devant les effets spéciaux. À partir de ce jour-là,
je me suis pris d'une passion pour le cinéma qui oscillait entre des auteurs
comme Cocteau et des grands réalisateurs de comédie. J'ai aimé Ophuls,
Lubitsch... To be or not to be est un film que je connais par coeur ! Parmi les
cinéastes contemporains, j'éprouve une grande admiration pour Jaco Van Dormael.
Toto le héros et Le Huitième jour sont des chefs d'oeuvres absolus. En fait,
c'est parce que j'aimais des metteurs en scène que je me suis interdit de faire
des films. J'ai toujours estimé que je n'en étais pas un.
3. Et quel a été le déclic qui vous a incité à
passer à la mise en scène ?
C'est
grâce à Yann Moix. Il allait tourner Podium et, sincèrement, je n'étais ni
jaloux, ni envieux, au contraire, j'étais très content pour lui qu'il fasse son
film. Il m'a demandé : « Et pourquoi tu n'en fais pas un ? » Je lui ai répondu
: « Parce que j'en suis bien incapable ! » Et là, il a prononcé cette phrase :
« S'il y a bien une personne qui connaît l'univers d'Eric-Emmanuel Schmitt,
c'est Eric-Emmanuel Schmitt ! » C'était tout bête mais ces mots ont provoqué un
déclic. Je me suis dit : « C'est vrai, s'il y a quelqu'un qui connaît mon
univers, c'est moi. » J'ai parfois ressenti un sentiment d'insatisfaction en
voyant certaines mises en scène de mon texte au théâtre ou au cinéma car ce
n'était pas complètement « juste » selon moi. Sur le tournage, mon obsession a
été de trouver ce qui est « juste » : le mouvement de caméra juste, l'inflexion
juste, le silence juste…
4. Est-ce que vous aviez déjà en tête l'histoire
d'Odette Toulemonde avant de penser à la réalisation ?
En
fait, cette histoire a une base presque autobiographique. Lors d'une tournée en
Allemagne au bord de la mer baltique, je faisais une signature et une
conférence dans un théâtre plein à craquer et, pourtant, j'étais triste.
C'était le jour de mon anniversaire, personne ne le savait et je me trouvais
loin de chez moi. Une lectrice m'a alors tendu une lettre. Endimanchée, elle
s'était faite trop coquette pour l'occasion…
A
travers l'enveloppe, j'ai senti qu'il y avait un coeur en mousse à l'intérieur
: j'ai vérifié, il y en avait bien un ! Même si je l'ai remerciée, je l'ai très
mal pris parce que son présent était kitsch, parce qu'elle n'avait pas les
mêmes goûts que moi ; je ne comprenais pas comment elle pouvait aimer mes
livres. Au fond - j'ose le dire - j'avais presque honte d'avoir une admiratrice
comme elle…
5. C'est un peu le problème de Balthazar Balsan
lorsqu'il dit qu'il écrit pour des caissières et des coiffeuses…
Voilà
! En fait, cette lectrice ne disposait que d'un langage kitsch pour exprimer
son affection et moi, je ne voyais que le kitsch au lieu d'apercevoir la
générosité et l'humanité que recelait cette femme. Sur le coup, j'ai réagi en
bon français, bien critique, avec ce mépris moqueur pour le goût des autres.
Une heure après, seul dans ma chambre d'hôtel, triste, mélancolique, j'ai
ouvert cette lettre. Elle était très belle et ce coeur que je trouvais
ridicule, je l'ai mis contre ma poitrine et l'ai gardé presque toute la nuit
sur moi.
6. Et vous êtes aussi allé chez elle ?
Non,
l'histoire s'arrête là ! Mais, ce jour-là, j'ai compris que ce qui compte c'est
l'authenticité du sentiment. Et lorsque je suis rentré, je me suis dit que
c'était le début d'une histoire. Alors faute de vivre l'histoire, je l'ai
écrite…
7. D'où vient le nom d'Odette Toulemonde ?
C'est
une inspiration ! Quand j'ai jeté à Gaspard de Chavagnac, le producteur, et à
Bruno Metzger, le directeur artistique, que le personnage pourrait s'appeler
Odette Toulemonde, ils ont tellement ri que je me suis dit que j'allais garder
ce nom-là. C'est même devenu le titre. Toulemonde est un nom assez répandu dans
le nord de la France et en Belgique.
8. Comment définiriez-vous Odette ?
C'est
une femme qui a comme un jazz band à l'intérieur d'elle-même, c'est-à-dire
qu'elle possède la joie. Cette joie lui permet de traverser la vie, d'oublier
ce qui peut être trop douloureux - ou de croire qu'elle peut l'oublier. Depuis
la mort de son mari, elle a supprimé son corps. En fait, Odette va rendre son
âme à Balthazar et Balthazar va rendre son corps à Odette. C'est l'échange du
film. C'est pour cela qu'ils forment un couple à la fin. Ils se rejoignent à la
fois dans l'amour et dans l'imaginaire.
9. Elle a une vision très juste de ses enfants…
Oui,
elle trouve qu'il est plus grave d'avoir une fille de mauvaise humeur qu'un
fils homosexuel. Elle a un vrai sens des valeurs : si son fils est heureux,
elle est heureuse, et si elle sent que sa fille n'est pas heureuse, elle
s'inquiète et essaie d'intervenir en douceur dans son destin.
10. En fait, le quotidien d'Odette n'est pas très
drôle…
Elle
ne voit que ce qu'il y a de beau dans son quotidien, elle a le sens de
l'étonnement, de l'émerveillement. Elle demeure attentive aux autres comme on
peut le voir dès la première scène avec cette cliente battue qui reviendra au
milieu du film. Pourtant, elle mène une vie difficile parce qu'elle n'a pas
beaucoup d'argent ; elle pratique deux métiers : le jour, elle est vendeuse au
rayon maquillage d'un grand magasin et, la nuit, elle est
plumassière.
11. Pourquoi plumassière ?
Parce
que le film est la rencontre d'un homme de plume et d'une femme de plume ! En
réalité, plumassière est un métier qui me fascine, comme beaucoup de métiers
artisanaux. Il est devenu très rare, il n'en reste plus que deux à Paris. Pour
Odette, le fait de coudre des plumes et de fabriquer des costumes fastueux,
c'est aussi sa manière de s'évader. À l'intérieur d'elle-même, résonne cette joie
de vivre incarnée par Joséphine Baker dont elle connaît toutes les chansons et
qui est comme sa voix intérieure.
12. Ce qui la rend heureuse en tout cas, c'est un
auteur : Balthazar Balsan.
Je
pense qu'elle détient le secret du bonheur de façon innée mais elle s'est
convaincue qu'elle le doit à cet homme parce que ses romans lui font du bien.
Pendant le deuil de son mari, il ne lui restait sans doute que les livres de
cet homme pour garder tendu le fil vivant qui la reliait à l'existence. Elle
estime qu'elle a une dette, qu'elle doit le lui dire. Finalement, elle va
pouvoir payer cette dette au-delà de ce qu'elle espérait.
13. Avez-vous déjà connu ce genre de relations
avec certains lecteurs ?
Oui,
j'ai eu beaucoup de témoignages de ce genre : ils me bouleversent. Faire du
bien, c'est ce dont on n'ose pas rêver au plus profond de l'acte d'écrire. Les
gens vous l'expriment parfois avec des lettres magnifiques qui donnent des
larmes, parfois de façon drôle comme une dame récemment à Bruxelles qui est rentrée
dans la librairie où je signais et qui a utilisé l'expression : « Moi, quand je
n'ai pas le moral, je me Schmitt ! Et d'ailleurs je Schmitt toutes mes amies !
» Pour certains textes comme Oscar et la dame rose qui raconte l'accompagnement
d'un enfant malade d'une façon joyeuse et courageuse, les gens ne me disent pas
bravo mais merci. C'est la plus belle récompense pour un écrivain. Cela
signifie que l'on a pénétré dans une zone où l'on sert peut-être à quelque
chose, qu'on a dépassé le moment où l'on n'obtient que des satisfactions
narcissiques.
14.Parlons de cet écrivain, Balthazar Balsan.
Lui,
il est encore trop narcissique !
15. C'est un auteur à succès qui n'assume pas
d'être populaire…
On
suppose qu'un auteur populaire fait exprès d'être populaire mais il est
l'auteur de son livre, pas de son succès. C'est le public qui est l'auteur de
son succès. Tout est faussé quand on soupçonne un auteur d'être sciemment
populaire. Au milieu de son existence, malgré la faveur de gens, Balthazar
Balsan n'a plus confiance en lui. Il ne trouve plus ses marques. Quoique ses
livres ne contiennent pas de clichés, sa vie en est pleine. Des clichés du
bonheur qu'il a emprunté sans s'interroger…
16. Que sont ces clichés du bonheur ?
Être
riche, avoir du succès, posséder un grand appartement à Paris, une voiture
chic, une femme belle et valorisante que l'on peut sortir partout… Il a
collectionné tous les signes de la réussite mais, au fond, il a échoué : rien
de tout cela ne correspond à son identité profonde. Lorsqu'on apprend que,
d'une origine simple, il vient de la DDASS, on comprend qu'il s'est d'abord
construit sur le modèle de la revanche sociale : il a emprunté des modèles
préfabriqués du bonheur et de la réussite pour trouver sa place dans la société
puisqu'il n'a pas eu de famille. Cependant, Odette va lui permettre de
retrouver son vrai centre et de chercher ce qui réellement le rend heureux. Le
paradoxe, c'est que celle qui le rend heureux n'est pas forcément la plus belle
ni la plus sexy. Certes, Odette est ravissante, gracieuse et bouge
merveilleusement bien mais il y a toujours plus belle à côté, plus jeune, plus
valorisante. Or c'est elle qui emporte le morceau. Il fallait qu'il descende
aux enfers pour s'en rendre compte. Ce film, c'est l'histoire d'une femme qui
repêche un homme.
17. Dans une scène, Balthazar dit : « J'ai passé
plus de temps à signer mes livres qu'à les écrire ». C'est un message que vous
faites passer ?
C'est
un aveu ! Je fais des tournées dans de nombreux pays pour signer mes livres
avec parfois des queues d'une heure et demie pour arriver à avoir une
signature… Les gens arrivent épuisés devant vous et n'ont même pas quinze
secondes… C'est frustrant pour tout le monde !
18. Il n'y a donc pas beaucoup de points communs
entre Balthazar Balzan et Eric-Emmanuel Schmitt ?
Je
me sens autant Odette que Balthazar. Je pense que le bonheur que j'ai éprouvé
en faisant ce film a été de laisser parler cette joie de vivre que j'ai en moi,
que je peux parfois exprimer sous une forme philosophique et métaphysique mais
jamais en son, en image et en mouvement. Grâce à la rencontre avec Catherine
Frot capable de porter un personnage comme celui-là, grâce au cinéma, j'ai
l'impression d'avoir été beaucoup plus moi-même. Cela me ressemble plus que
beaucoup de choses que j'ai faites parce qu'il y a cette espèce de bonheur de
vivre que je n'ai jamais su exprimer ailleurs. J'ai des naïvetés et des
candeurs comme celles d'Odette et j'ai des moments de déprime et des ambitions
comme Balthazar.
19. La rencontre entre Odette et Balthazar se
fait en plusieurs étapes…
Déjà,
ce qui m'amusait, c'était de faire se rencontrer ces personnages sans qu'ils se
rencontrent ! Ils se voient plusieurs fois avant qu'il ne la remarque. Car elle
ne fait pas partie des femmes auxquelles il prête attention, habitué à éprouver
de brusques attirances sexuées pour les femmes. Odette ne provoque pas ça en
lui. Il met du temps à se rendre compte qu'elle est jolie et qu'il a envie de
l'embrasser. Elle l'aime d'un amour inconditionnel mais pas sexué non plus.
Elle est pétrifiée d'admiration, fascinée par lui et, en même temps, elle le
connaît intimement. Ce qui n'est pas son cas à lui. Je vis souvent cette
disproportion lors des rencontres avec mes lecteurs : eux me connaissent
intimement puisqu'ils me lisent alors que moi je ne les connais pas du tout… Ce
déséquilibre fait qu'ils savent souvent beaucoup mieux me parler que je ne sais
leur parler.
Quand
j'ai fini d'écrire l'histoire, je me suis demandé : « Alors qui ? » Dupontel
s'est imposé tout de suite dans ma tête parce que c'est un acteur que j'avais
remarqué depuis Un héros très discret. Je le trouve complètement original,
capable de tout, avec une démesure, une fantaisie… C'est un acteur qui me
passionne. Je voulais lui faire jouer un clown triste parce qu'il ne l'avait
pas fait et je savais qu'il en était capable. Pour moi, c'est un vrai corps de
cinéma, Albert, il est expressif de dos, de face, de côté, de haut, de bas, il
joue avec tout son corps comme les meilleurs américains. Notre rencontre était
assez drôle puisque lui se disait que je ne le connaissais pas vraiment et moi
qu'il ne me connaissait pas non plus. Or nous avons découvert que j'avais vu
presque tout ce qu'il avait fait et qu'il avait lu la plupart de mes livres !
En fait, on se désirait en secret. Avec un grand courage, il s'est mis entre
mes mains pour descendre dans ses zones de fragilité, d'étonnement amoureux et
de naïveté qui sont dures à assumer pour un homme. Nous avons vraiment
travaillé dans une harmonie parfaite.
21. Et Catherine Frot ?
J'ai
pensé à elle parce qu'elle résolvait une équation : je rêvais qu'Odette soit à
la fois drôle et jolie. Drôle sans que l'on se moque d'elle, donc je devais
éviter les actrices purement comiques qui chargent la barque dans le ridicule.
Jolie or les actrices jolies sont rarement drôles. C'est presque le
raisonnement qui m'a d'abord conduit à Catherine ! Heureusement qu'elle m'a dit
oui car elle m'a ébloui. Pendant le tournage, nous étions tous complètement «
babas » tant elle s'est emparée de cette Odette. Vive, joyeuse, émouvante,
gracieuse, prête à toutes les cascades, elle nous enchantait. De plus, chaque
semaine, elle venait me remercier de lui avoir donné ce personnage. Et,
croyez-moi, cela met vraiment de bonne humeur !
22. Quelles sensations avez-vous ressenti en
voyant Odette incarnée par Catherine Frot ?
Elle
était mieux que je ne pensais ! Avec Catherine, il y a de la poésie et du
décalage. Beaucoup de femmes n'osent pas avoir ces yeux qui rêvent, cette
candeur, cette énergie… Elle me fait penser à un Jacques Villeret en femme. On
les aime parce qu'ils sont toujours au bord du ridicule mais du bon côté du
bord… et ils ne tombent jamais dedans. Je regrette d'avoir commencé le cinéma
trop tard sans avoir pu travailler avec Villeret.
23. En quoi est-ce agréable de diriger des
acteurs ?
On
ne dirige pas des acteurs, on justifie les intentions avant de jouer, on
explique tout pour montrer que l'écriture n'est pas gratuite puis on les
regarde avec affection en attendant le meilleur. Par exemple, le moindre soupir
dans la scène de la gifle était écrit ; il n'y a eu aucune improvisation sur le
plateau, tout a été fait au scalpel. Diriger, c'est surtout donner confiance.
Quand on les couve avec un oeil exigeant et bienveillant, les comédiens sont
prêts à accomplir des prouesses.
24. Quand Odette est heureuse, elle s'envole et
cela donne des scènes assez oniriques. Etait-ce une idée de mise en scène que
vous aviez dès le départ ?
En
fait, c'est une idée d'écrivain. Toutes les métaphores et les images de
l'écriture, j'en faisais des images de cinéma. Quand elle est heureuse, elle
s'envole. Quand elle est dans son bain et qu'elle s'imagine dans une forêt
vierge, la forêt apparaît… J'ai filmé beaucoup plus de fantaisies comme cela
pendant le tournage mais, au montage, j'ai dû me limiter pour garder la
crédibilité de l'histoire.
25. L'aspect technique du film a t-il été une
angoisse ?
Non,
j'avais une équipe concernée et généreuse. Comme j'étais débutant, le
producteur et Pathé m'ont fait un casting d'enfer de techniciens et j'ai
rencontré plusieurs chefs opérateur, plusieurs décorateurs, plusieurs premiers
assistants… Je ne les ai pas choisis en fonction de leurs compétences - car ils
étaient tous canons - mais en fonction de leurs qualités humaines ; en songeant
que j'allais passer six mois avec eux. J'ai pris des gens que cela enchantait
d'être sur le premier film d'un écrivain. Conclusion, c'était une équipe
efficace, active et créative.
26. La musique tient une place importante dans le
film. Quelles indications avez-vous donné à Nicola Piovani pour obtenir cette
musique légère qui colle parfaitement ?
Je
savais depuis des années que si je faisais un film, ce serait avec la musique
de Nicola Piovani.
27. Pourquoi ?
Parce
que j'ai vu tout ce qu'il a fait avec les frères Taviani, Nanni Moretti,
Roberto Benigni… Il a orchestré tout le cinéma italien, surtout ces films à la
fois intellectuels et populaires qui osent avoir des personnages simples. Je
pense aux rôles que jouait Sophia Loren, des personnages avec un grand coeur.
Et Nicola a un grand coeur expansif. Il est à la fois généreux, populaire et
raffiné.
28. Vous avez déclaré : « Je suis le réalisateur
qui veut rentrer chez lui le soir.» Est-ce pour cette raison que vous avez
tourné en Belgique ?
Oui,
je suis un gros paresseux ! En fait, j'étais effrayé par les responsabilités
que j'avais dans ce film. La responsabilité d'une équipe, de tenir le projet
artistique… Rentrer chez moi le soir à Bruxelles n'était pas un caprice !
C'était simplement pour avoir la force de faire les choses. J'avais vraiment
peur de ne pas tenir le coup physiquement et, psychiquement, je voulais mériter
la confiance des acteurs et de l'équipe. Je me suis senti en dette sur ce
tournage. En « dette », comme Odette ! C'est une relation un peu bête mais
dynamique qui consiste à essayer de mériter ce qu'on vous donne.
29. Vous avez réuni plusieurs acteurs belges…
Oui,
les enfants de Catherine Frot font leurs premiers pas au cinéma. Et dans tous
les petits rôles, il y a de grands acteurs de théâtre qui sont venus par amitié
pour moi. Par exemple, dans la scène du bus, apparaît Jacqueline Bir, la grande
dame du théâtre belge qui avait joué Oscar et la dame rose. C'est aussi le
résultat de ma vie de théâtre et de mes rapports avec les gens.
30. Le livre Odette Toulemonde et autres
histoires (Editions Albin Michel) est sorti en novembre. A-t-il été écrit
avant ou après le scénario ?
Normalement,
un livre donne un film, là c'est un film qui a donné un livre ! J'étais en
train d'écrire un gros livre avant que le film ne commence. On m'a fait signer
un contrat qui m'interdisait les sports violents et l'écriture. Cela m'a
tellement énervé que, sur le tournage et pendant le montage, dès que j'avais un
moment de libre, j'écrivais des nouvelles qui sont maintenant dans le recueil.
Et quand le film a été fini, je me suis dit que j'allais écrire celle du film.
Elle est donc légèrement différente du film parce que je n'utilise pas le même
moyen d'expression.
31. Pensez-vous que le film pourrait aider
certaines personnes comme Odette avec Balthazar ?
Je n'ai pas cette prétention mais j'ai ce rêve au fond de
moi. Il s'agit de libérer la joie vitale que nous possédons au fond de nous et
que la vie sociale nous oblige parfois à taire. Le bonheur, c'est une question
de regard, comme le regard que porte cette femme sur cet homme. Et celui que
porte cet homme sur cette femme fait que de nouveau le bonheur est possible.
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