Sélection de textes puis deux vidéos
Guy Carcassonne : La liberté
La liberté, pour emprunter à Saint-Exupéry, ce n’est pas d’errer dans le vide, mais de pouvoir choisir soi-même, parmi ceux disponibles, le chemin que l’on veut suivre, sans que puisse l’interdire aucun pouvoir extérieur, même (surtout ?) celui d’unÉtat. La liberté, loin d’exclure les limites, les impose au contraire. Pour la sécurité de tous, jedois respecter le Code de la route et le gendarme y veille, mais moi seul décide où je veux aller, quand, avec qui.
Selon l’article 4 de la Déclaration de 1789, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Elle se révèle alors indissociable de l’égalité : c’est parce que les autres ont des droits égaux aux miens, que ma liberté est limitée par le respect de la leur et leur liberté limitée par le respect de la mienne. En même temps que complémentaires, pourtant, liberté et égalité sont contradictoires : la liberté absolue, c’est la loi du plus fort ; l’égalité absolue, c’est la négation de la liberté. Le défi de la civilisation est donc dans la juste mesure, hors d’atteinte mais toujours recherchée, sans jamais sacrifier complètement l’une à l’autre.
C’est la loi, quand besoin est, qui assure cette conciliation car, si elle est démocratique, elle protège bien plus qu’elle ne contraint. Cette liberté en droit est toujours insuffisante – le SDF jouit-il vraiment de sa liberté ? – mais cependant toujours nécessaire. Et même le SDF a plus de chance de cesser de l’être un jour dans une société libre que dans une autre : est- ce un hasard ou une coïncidence si les pays les plus riches du monde sont aussi les plus libres?
Enfin, la liberté a un corollaire : la responsabilité. Chaque fois que je décide seul de mes choix, j’en suis aussi seul responsable. Individuellement comme collectivement, l’on ne peut exercer sa liberté sans assumer la responsabilité qui va avec, à l’égard de soi-même et des autres. C’est pourquoi la liberté, qui donne à la vie sa saveur, lui donne aussi sa dignité.
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
La liberté, pour emprunter à Saint-Exupéry, ce n’est pas d’errer dans le vide, mais de pouvoir choisir soi-même, parmi ceux disponibles, le chemin que l’on veut suivre, sans que puisse l’interdire aucun pouvoir extérieur, même (surtout ?) celui d’unÉtat. La liberté, loin d’exclure les limites, les impose au contraire. Pour la sécurité de tous, jedois respecter le Code de la route et le gendarme y veille, mais moi seul décide où je veux aller, quand, avec qui.
Selon l’article 4 de la Déclaration de 1789, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Elle se révèle alors indissociable de l’égalité : c’est parce que les autres ont des droits égaux aux miens, que ma liberté est limitée par le respect de la leur et leur liberté limitée par le respect de la mienne. En même temps que complémentaires, pourtant, liberté et égalité sont contradictoires : la liberté absolue, c’est la loi du plus fort ; l’égalité absolue, c’est la négation de la liberté. Le défi de la civilisation est donc dans la juste mesure, hors d’atteinte mais toujours recherchée, sans jamais sacrifier complètement l’une à l’autre.
C’est la loi, quand besoin est, qui assure cette conciliation car, si elle est démocratique, elle protège bien plus qu’elle ne contraint. Cette liberté en droit est toujours insuffisante – le SDF jouit-il vraiment de sa liberté ? – mais cependant toujours nécessaire. Et même le SDF a plus de chance de cesser de l’être un jour dans une société libre que dans une autre : est- ce un hasard ou une coïncidence si les pays les plus riches du monde sont aussi les plus libres?
Enfin, la liberté a un corollaire : la responsabilité. Chaque fois que je décide seul de mes choix, j’en suis aussi seul responsable. Individuellement comme collectivement, l’on ne peut exercer sa liberté sans assumer la responsabilité qui va avec, à l’égard de soi-même et des autres. C’est pourquoi la liberté, qui donne à la vie sa saveur, lui donne aussi sa dignité.
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Alain Etchegoyen : L’égalité
Évidemment, nous ne sommes pas égaux naturellement : nous avons des tailles inégales, des poids inégaux, des talents inégaux, des forces physiques inégales. Nous ne pouvons pas tous être champion olympique ou prix Nobel. Une des merveilles de l’humanité réside dans les différences qui font que nous reconnaissons chaque femme et chaque homme comme une personne différente de toutes les autres personnes. La République ne nie pas cette réalité, ni ne veut supprimer les différences entre chaque homme et chaque femme. Mais elle leur reconnaît la même dignité et veut organiser la société pour que chacun ait les mêmes droits, c’est-à-dire des droits égaux quelles que soient sa taille, sa force ou son intelligence. C’est le rôle de la Loi qui s’applique de façon égale à toutes les femmes et à tous les hommes de la République.
C’est pourquoi l’égalité est un des trois éléments de la grande formule républicaine inscrite aux frontons de nombreux établissements de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Cette formule est tellement connue qu’elle s’est banalisée. On ne lui prête plus une attention suffisante... Pourtant, quand on veut tuer la République, on la supprime. Tel fut le cas en 1940 quand Pétain remplaça la belle formule par une autre : « Travail, Famille, Patrie ». Il le fit pour faire de la hiérarchie le fondement de son idéologie : le modèle du père remplace la référence au frère, à l’égal ; à cette époque, le travail, c’est la sujétion au patron, la famille la sujétion au père et la patrie propose une même étymologie. Le citoyen doit toujours être soumis à plus fort que lui. Bien sûr, même aujourd’hui, personne ne s’oppose violemment aux valeurs du travail, de la famille ou de la patrie prises une par une. Mais c’est l’association des trois valeurs pour remplacer les trois références républicaines qui lui donne ce sens antirépublicain et dictatorial.
C’est pourquoi la République essaie de réduire les inégalités naturelles en prenant par exemple des mesures spéciales pour que les handicapés physiques aient le même accès aux lieux qu’ils ont envie de fréquenter. L’égalité est un idéal et un programme : elle n’est jamais acquise. Elle signifie que la République doit toujours progresser dans le sens de l’égalité. Elle doit par exemple faire en sorte que les hommes ne dominent pas les femmes, que les forts n’écrasent pas les faibles, que les dirigeants respectent les dirigés. Elle doit lutter contre les égoïsmes qui poussent certaines personnes à profiter des inégalités naturelles. En même temps, elle doit ne pas brimer la liberté de ceux qui travaillent ou se dépensent plus que les autres à l’école ou dans leur profession. Dans la République, lesfemmes et les hommes doivent avoir des droits égaux, quelles que soient leurs inégalités naturelles. Mais le sens de l’égalité implique que soient reconnus les efforts inégaux que font les uns et les autres.
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Évidemment, nous ne sommes pas égaux naturellement : nous avons des tailles inégales, des poids inégaux, des talents inégaux, des forces physiques inégales. Nous ne pouvons pas tous être champion olympique ou prix Nobel. Une des merveilles de l’humanité réside dans les différences qui font que nous reconnaissons chaque femme et chaque homme comme une personne différente de toutes les autres personnes. La République ne nie pas cette réalité, ni ne veut supprimer les différences entre chaque homme et chaque femme. Mais elle leur reconnaît la même dignité et veut organiser la société pour que chacun ait les mêmes droits, c’est-à-dire des droits égaux quelles que soient sa taille, sa force ou son intelligence. C’est le rôle de la Loi qui s’applique de façon égale à toutes les femmes et à tous les hommes de la République.
C’est pourquoi l’égalité est un des trois éléments de la grande formule républicaine inscrite aux frontons de nombreux établissements de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Cette formule est tellement connue qu’elle s’est banalisée. On ne lui prête plus une attention suffisante... Pourtant, quand on veut tuer la République, on la supprime. Tel fut le cas en 1940 quand Pétain remplaça la belle formule par une autre : « Travail, Famille, Patrie ». Il le fit pour faire de la hiérarchie le fondement de son idéologie : le modèle du père remplace la référence au frère, à l’égal ; à cette époque, le travail, c’est la sujétion au patron, la famille la sujétion au père et la patrie propose une même étymologie. Le citoyen doit toujours être soumis à plus fort que lui. Bien sûr, même aujourd’hui, personne ne s’oppose violemment aux valeurs du travail, de la famille ou de la patrie prises une par une. Mais c’est l’association des trois valeurs pour remplacer les trois références républicaines qui lui donne ce sens antirépublicain et dictatorial.
C’est pourquoi la République essaie de réduire les inégalités naturelles en prenant par exemple des mesures spéciales pour que les handicapés physiques aient le même accès aux lieux qu’ils ont envie de fréquenter. L’égalité est un idéal et un programme : elle n’est jamais acquise. Elle signifie que la République doit toujours progresser dans le sens de l’égalité. Elle doit par exemple faire en sorte que les hommes ne dominent pas les femmes, que les forts n’écrasent pas les faibles, que les dirigeants respectent les dirigés. Elle doit lutter contre les égoïsmes qui poussent certaines personnes à profiter des inégalités naturelles. En même temps, elle doit ne pas brimer la liberté de ceux qui travaillent ou se dépensent plus que les autres à l’école ou dans leur profession. Dans la République, lesfemmes et les hommes doivent avoir des droits égaux, quelles que soient leurs inégalités naturelles. Mais le sens de l’égalité implique que soient reconnus les efforts inégaux que font les uns et les autres.
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
André Comte-Sponville : L’égalité des chances
La chance, dès lors qu’elle se manifeste, est toujours inégale. Voyez le Loto, la santé, la beauté... Si tout le monde gagnait le gros lot, le Loto ne serait plus un jeu de hasard : ce ne serait plus chance mais justice. Pourquoi, alors, parler d’égalité des chances ? Parce que tous les joueurs ont autant de chances, à mise égale, de gagner : ils sont égaux devant le résultat à venir. Le calcul des probabilités l’annonce. La règle du jeu le garantit. Des huissiers y veillent. Cela nous met sur la voie. L’égalité des chances ne peut pas dépendre de la chance. C’est-à-dire qu’elle dépend de nous, qu’elle doit être voulue, organisée, vérifiée – instituée. Elle relève non de la chance mais de la justice. Non de la nature, mais de la société. Non du hasard, mais de la politique et des lois. Ce n’est en cela qu’une égalité comme les autres : une égalité en droits, pour compenser les inégalités de fait, qui sont innombrables. Cela ne la condamne pas. C’est au contraire ce qui la rend indispensable. Ne comptons pas sur le hasard pour être juste à notre place.
Comment être égaux, face à ce qui est par définition inégal ? En donnant à chacun le droit, au même titre que tout autre, de tenter sa chance, de profiter pleinement de celles qu’il a, de compenser, autant que faire se peut, celles qui lui font défaut. Par exemple, il n’y a pas de droit au génie : le génie, étant l’exception, ne saurait être également réparti. Affaire de chance. Mais aucun, génie ou pas, doit avoir un droit égal à exploiter les talents inégaux qui sont les siens. Affaire de justice. On ne saurait accepter qu’un enfant, parce que ses parents sont pauvres ou trop peu cultivés, soit empêché de développer au mieux ses capacités, d’aller au bout de ses dons, de son courage, de son travail, enfin de réussir non pas forcément aussi bien que les autres, ce n’est pas la question, mais aussi bien que lui- même, avec les mêmes capacités mais issu d’un milieu différent, aurait pu réussir. Bref, il s’agit de compenser, spécialement à l’école, les inégalités que la nature, la société et même la culture ne cessent d’engendrer ou d’entretenir. L’égalité des chances, c’est le droit de ne pas dépendre exclusivement de la chance, ni de la malchance. C’est le droit égal, pour chacun, de faire ses preuves, d’exploiter ses talents, de surmonter, au moins partiellement, ses faiblesses. C’est le droit de réussir, autant qu’on peut et qu’on le mérite. C’est le droit de ne pas rester prisonnier de son origine, autant que l’on peut et qu’on le mérite. C’est l’égalité, mais actuelle, face à l’avenir. C’est le droit d’être libre, en se donnant les moyens de le devenir. C’est comme une justice anticipée, et anticipatrice : c’est protéger l’avenir, autant que faire se peut, contre les injustices du passé, et même du présent. On n’y parvient jamais tout à fait. Raison de plus pour s’efforcer toujours de s’en approcher. Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Comment être égaux, face à ce qui est par définition inégal ? En donnant à chacun le droit, au même titre que tout autre, de tenter sa chance, de profiter pleinement de celles qu’il a, de compenser, autant que faire se peut, celles qui lui font défaut. Par exemple, il n’y a pas de droit au génie : le génie, étant l’exception, ne saurait être également réparti. Affaire de chance. Mais aucun, génie ou pas, doit avoir un droit égal à exploiter les talents inégaux qui sont les siens. Affaire de justice. On ne saurait accepter qu’un enfant, parce que ses parents sont pauvres ou trop peu cultivés, soit empêché de développer au mieux ses capacités, d’aller au bout de ses dons, de son courage, de son travail, enfin de réussir non pas forcément aussi bien que les autres, ce n’est pas la question, mais aussi bien que lui- même, avec les mêmes capacités mais issu d’un milieu différent, aurait pu réussir. Bref, il s’agit de compenser, spécialement à l’école, les inégalités que la nature, la société et même la culture ne cessent d’engendrer ou d’entretenir. L’égalité des chances, c’est le droit de ne pas dépendre exclusivement de la chance, ni de la malchance. C’est le droit égal, pour chacun, de faire ses preuves, d’exploiter ses talents, de surmonter, au moins partiellement, ses faiblesses. C’est le droit de réussir, autant qu’on peut et qu’on le mérite. C’est le droit de ne pas rester prisonnier de son origine, autant que l’on peut et qu’on le mérite. C’est l’égalité, mais actuelle, face à l’avenir. C’est le droit d’être libre, en se donnant les moyens de le devenir. C’est comme une justice anticipée, et anticipatrice : c’est protéger l’avenir, autant que faire se peut, contre les injustices du passé, et même du présent. On n’y parvient jamais tout à fait. Raison de plus pour s’efforcer toujours de s’en approcher. Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Michel Delattre : La fraternité
La fraternité, une notion ambiguë, que nous avons le sentiment de bien connaître, mais qui est en partie indéfinissable. Paradoxalement, le mot fraternité, dans l’usage que nous lui connaissons aujourd’hui, n’évoque jamais l’idée d’un lien familial. À la limite, c’est le contraire : il désigne un lien qui relie ceux qui ne sont pas de la même famille ; c’est, idéalement, ce qui nous lie à l’ensemble de « la famille humaine ». D’une certaine façon, la fraternité engage à être le frère de n’importe qui, même si cela rencontre des limites.
Dans toute société digne de ce nom, il existe une obligation de solidarité. Elle se traduit par l’existence de dispositifs visant, par exemple, à assurer un secours à ceux qui sont dans le besoin ou en danger, à organiser un système de santé publique, à indemniser ceux qui connaissent des situations de chômage contre leur volonté, à assurer l’existence de ceux qui ne sont plus en état de travailler, à offrir un asile à ceux qui ne sont plus capables de gérer seul leur existence – et d’une manière générale à contribuer par l’impôt aux nécessités collectives. Mais cette solidarité, dont l’existence est évidemment essentielle, repose sur des dispositifs impersonnels et qu’on pourrait qualifier de froids.
La fraternité donne à la solidarité une chaleur affective qui en fait autre chose que la simple application mécanique de dispositifs institutionnels. Elle est ce qui vient corriger les insuffisances d’une égalité qui n’est qu’une égalité de droit et d’une liberté qui peut n’être que formelle lorsqu’on n’a pas les moyens réels de l’exercer. Introduite dans ladevise de la république en 1848, donc bien après la liberté et l’égalité (même si, au sens politique qu’elle prend alors, elle a déjà été évoquée au moment de la Révolution française), la fraternité est ce qui introduit de l’humanité dans l’espace républicain.
L’idée de fraternité universelle revient donc à affirmer qu’au-delà des clivages inévitables qui peuvent séparer les hommes ou les communautés humaines, quelque chose de plus solide invite à reconnaître dans tout autre homme un autre soi-même. La fraternité tend à mettre en avant ce lien proprement humain qui, sans les faire disparaître, transcende toutes les différences, toutes les oppositions et tous les conflits. À tel point qu’on qualifiera d’inhumain ou de barbare celui pour qui ce sentiment serait totalement étranger. À l’échelle individuelle, qui est son seul niveau authentique de manifestation, la fraternité se révèle par ce sentiment moral d’empathie qui fait que la souffrance d’autrui, le malheur qui le frappe, l’injustice dont il est victime, peuvent me toucher au plus profond de moi- même, alors qu’ils ne me concernent pas directement. Elle est le ciment le plus facultatif, et pour cette raison sans doute le plus nécessaire, de la solidarité. Et c’est lorsque ce sentiment tend à se dissoudre qu’on en éprouve le plus la valeur.
La fraternité, une notion ambiguë, que nous avons le sentiment de bien connaître, mais qui est en partie indéfinissable. Paradoxalement, le mot fraternité, dans l’usage que nous lui connaissons aujourd’hui, n’évoque jamais l’idée d’un lien familial. À la limite, c’est le contraire : il désigne un lien qui relie ceux qui ne sont pas de la même famille ; c’est, idéalement, ce qui nous lie à l’ensemble de « la famille humaine ». D’une certaine façon, la fraternité engage à être le frère de n’importe qui, même si cela rencontre des limites.
Dans toute société digne de ce nom, il existe une obligation de solidarité. Elle se traduit par l’existence de dispositifs visant, par exemple, à assurer un secours à ceux qui sont dans le besoin ou en danger, à organiser un système de santé publique, à indemniser ceux qui connaissent des situations de chômage contre leur volonté, à assurer l’existence de ceux qui ne sont plus en état de travailler, à offrir un asile à ceux qui ne sont plus capables de gérer seul leur existence – et d’une manière générale à contribuer par l’impôt aux nécessités collectives. Mais cette solidarité, dont l’existence est évidemment essentielle, repose sur des dispositifs impersonnels et qu’on pourrait qualifier de froids.
La fraternité donne à la solidarité une chaleur affective qui en fait autre chose que la simple application mécanique de dispositifs institutionnels. Elle est ce qui vient corriger les insuffisances d’une égalité qui n’est qu’une égalité de droit et d’une liberté qui peut n’être que formelle lorsqu’on n’a pas les moyens réels de l’exercer. Introduite dans ladevise de la république en 1848, donc bien après la liberté et l’égalité (même si, au sens politique qu’elle prend alors, elle a déjà été évoquée au moment de la Révolution française), la fraternité est ce qui introduit de l’humanité dans l’espace républicain.
L’idée de fraternité universelle revient donc à affirmer qu’au-delà des clivages inévitables qui peuvent séparer les hommes ou les communautés humaines, quelque chose de plus solide invite à reconnaître dans tout autre homme un autre soi-même. La fraternité tend à mettre en avant ce lien proprement humain qui, sans les faire disparaître, transcende toutes les différences, toutes les oppositions et tous les conflits. À tel point qu’on qualifiera d’inhumain ou de barbare celui pour qui ce sentiment serait totalement étranger. À l’échelle individuelle, qui est son seul niveau authentique de manifestation, la fraternité se révèle par ce sentiment moral d’empathie qui fait que la souffrance d’autrui, le malheur qui le frappe, l’injustice dont il est victime, peuvent me toucher au plus profond de moi- même, alors qu’ils ne me concernent pas directement. Elle est le ciment le plus facultatif, et pour cette raison sans doute le plus nécessaire, de la solidarité. Et c’est lorsque ce sentiment tend à se dissoudre qu’on en éprouve le plus la valeur.
Bernard Stasi : La laïcité
La grande loi républicaine du 9 décembre 1905 qui sépare les Églises et l’État est le socle du « vivre ensemble » en France. C’est par elle que la laïcité s’est enracinée dans nos institutions.Les trois valeurs indissociables qu’elle définit en font la pierre angulaire de notre pacte républicain. La liberté de conscience, d’abord, qui permet à chaque citoyen de choisir sa vie spirituelle ou religieuse ; l’égalité en droit des options spirituelles et religieuses, ensuite, qui interdit toute discrimination ou contrainte ; enfin, la neutralité du pouvoir politique qui reconnaît ses limites en s’abstenant de toute ingérence dans le domaine spirituel ou religieux.
Depuis 1905, le contexte a évolué. Sous l’effet de l’immigration, la France est devenue plurielle sur le plan spirituel et religieux. Il s’agit, dans le respect de la diversité de notre société, de forger l’unité. Si, au nom du principe de la laïcité, la France doit accepter d’accueillir les nouvelles religions, celles-ci doivent aussi respecter pleinement les valeurs républicaines. C’est à cette condition que leur intégration sera réussie. La laïcité, c’est la liberté, mais c’est aussi l’égalité, l’égalité entre les citoyens quelle que soit leur croyance.
C’est à l’État que revient la mission de veiller, dans les relations avec les cultes et avec l’ensemble des familles spirituelles, à ce que tous puissent s’exprimer. C’est lui qui doit faire en sorte qu’aucun groupe, qu’aucune communauté ne puisse imposer à qui que ce soit une appartenance religieuse, en particulier en raison de sesorigines. La laïcité est donc à l’avant-garde du combat contre les discriminations. Mais la laïcité, c’est aussi et surtout la fraternité. Parce qu’elle reconnaît et respecte les différences culturelles, spirituelles, religieuses, elle a aussi pour mission, et c’est la plus noble de toutes, de créer les conditions permettant à tous de vivre ensemble, dans le respect réciproque et dans l’attachement commun à un certain nombre de valeurs. Ces valeurs qui doivent nous unir, ce sont celles que l’on apprend à l’école. Et c’est en cela que l’école est un espace spécifique qui accueille des enfants et des adolescents auxquels elle doit donner les outils intellectuels leur permettant, quelles que soient leurs origines, leurs convictions ou celles de leurs parents, de devenir des citoyens éclairés, apprenant à partager, au-delà de toutes leurs différences, les valeurs de notre République. C’est la raison pour laquelle, si l’école ne doit pas être à l’abri du monde, les élèves doivent être protégés de la « fureur du monde ».
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
La grande loi républicaine du 9 décembre 1905 qui sépare les Églises et l’État est le socle du « vivre ensemble » en France. C’est par elle que la laïcité s’est enracinée dans nos institutions.Les trois valeurs indissociables qu’elle définit en font la pierre angulaire de notre pacte républicain. La liberté de conscience, d’abord, qui permet à chaque citoyen de choisir sa vie spirituelle ou religieuse ; l’égalité en droit des options spirituelles et religieuses, ensuite, qui interdit toute discrimination ou contrainte ; enfin, la neutralité du pouvoir politique qui reconnaît ses limites en s’abstenant de toute ingérence dans le domaine spirituel ou religieux.
Depuis 1905, le contexte a évolué. Sous l’effet de l’immigration, la France est devenue plurielle sur le plan spirituel et religieux. Il s’agit, dans le respect de la diversité de notre société, de forger l’unité. Si, au nom du principe de la laïcité, la France doit accepter d’accueillir les nouvelles religions, celles-ci doivent aussi respecter pleinement les valeurs républicaines. C’est à cette condition que leur intégration sera réussie. La laïcité, c’est la liberté, mais c’est aussi l’égalité, l’égalité entre les citoyens quelle que soit leur croyance.
C’est à l’État que revient la mission de veiller, dans les relations avec les cultes et avec l’ensemble des familles spirituelles, à ce que tous puissent s’exprimer. C’est lui qui doit faire en sorte qu’aucun groupe, qu’aucune communauté ne puisse imposer à qui que ce soit une appartenance religieuse, en particulier en raison de sesorigines. La laïcité est donc à l’avant-garde du combat contre les discriminations. Mais la laïcité, c’est aussi et surtout la fraternité. Parce qu’elle reconnaît et respecte les différences culturelles, spirituelles, religieuses, elle a aussi pour mission, et c’est la plus noble de toutes, de créer les conditions permettant à tous de vivre ensemble, dans le respect réciproque et dans l’attachement commun à un certain nombre de valeurs. Ces valeurs qui doivent nous unir, ce sont celles que l’on apprend à l’école. Et c’est en cela que l’école est un espace spécifique qui accueille des enfants et des adolescents auxquels elle doit donner les outils intellectuels leur permettant, quelles que soient leurs origines, leurs convictions ou celles de leurs parents, de devenir des citoyens éclairés, apprenant à partager, au-delà de toutes leurs différences, les valeurs de notre République. C’est la raison pour laquelle, si l’école ne doit pas être à l’abri du monde, les élèves doivent être protégés de la « fureur du monde ».
Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Pierre-André Taguieff : L’antiracisme
Face au racisme, lorsqu’il est flagrant, et paraît donc intolérable, il faut à la fois s’efforcer de l’expliquer comme un fait et de le combattre comme un mal. Tenter aussi de comprendre sa persistance et sa résistance à la critique, à l’indignation morale consensuelle et aux mesures pratiques qui le visent. Pour qui le refuse et le combat, le racisme se présente donc à la fois comme un défi pour la pensée et un domaine de lutte pour l’action.
Le mal raciste est d’abord ce qui ne devrait pas être, ou ne devrait plus être, et qui doit en conséquence être combattu. La difficulté est de supprimer sans violence pour ne pas en rajouter. La visée morale réside dans l’exigence que soient abolies les souffrances infligées à l’homme par l’homme.
Qu’entend-on ordinairement par l’expression « le racisme » ? Tout d’abord, une idéologie, la théorie pseudo-scientifique de l’inégalité des races humaines, fondée sur un déterminisme biologique grossier, du type « telle race-telle culture », ou « telle race-tel ensemble d’aptitudes ». Ensuite, un ensemble de conduites et de pratiquesdiscriminatoires, qu’accompagnent des attitudes d’intolérance, voire des passions négatives, comme la haine ou le ressentiment.
Cependant, le racisme n’étant un phénomène ni stable ni homogène, la lutte contre le racisme ne peut être fondée sur une stratégie unique. Définir strictement le racisme par la thèse de l’inégalité entre les races et la thèse du déterminisme héréditaire des aptitudes, thèses jugées scientifiquement fausses, c’est se vouer à ne définir l’antiracisme que par la thèse abstraite de l’égalité de toutes les cultures, alors même qu’émerge le nouveauracisme fondé sur l’absolutisation de la différence culturelle.
Le nouveau racisme idéologique se présente comme un culturalisme et un différentialisme, l’un et l’autre radicaux, prenant ainsi à revers l’argumentation antiraciste classique centrée sur la récusation du biologisme et de l’inégalitarisme, censés constituer les deux caractéristiques fondamentales du racisme doctrinal, auxquelles l’on croyait naïvement pouvoir opposer le relativisme culturel et le droit à la différence. Le principe de la métamorphose idéologique récente du racisme réside précisément dans le déplacement de l’inégalité biologique entre les races vers l’absolutisation de la différence entre les cultures. D’où la substitution, au thème classique de la « lutte des races », de la nouvelle évidence aveuglante du « choc des civilisations » ou celle de la fatalité des guerres ethniques ou des conflits identitaires.
Extraits de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Face au racisme, lorsqu’il est flagrant, et paraît donc intolérable, il faut à la fois s’efforcer de l’expliquer comme un fait et de le combattre comme un mal. Tenter aussi de comprendre sa persistance et sa résistance à la critique, à l’indignation morale consensuelle et aux mesures pratiques qui le visent. Pour qui le refuse et le combat, le racisme se présente donc à la fois comme un défi pour la pensée et un domaine de lutte pour l’action.
Le mal raciste est d’abord ce qui ne devrait pas être, ou ne devrait plus être, et qui doit en conséquence être combattu. La difficulté est de supprimer sans violence pour ne pas en rajouter. La visée morale réside dans l’exigence que soient abolies les souffrances infligées à l’homme par l’homme.
Qu’entend-on ordinairement par l’expression « le racisme » ? Tout d’abord, une idéologie, la théorie pseudo-scientifique de l’inégalité des races humaines, fondée sur un déterminisme biologique grossier, du type « telle race-telle culture », ou « telle race-tel ensemble d’aptitudes ». Ensuite, un ensemble de conduites et de pratiquesdiscriminatoires, qu’accompagnent des attitudes d’intolérance, voire des passions négatives, comme la haine ou le ressentiment.
Cependant, le racisme n’étant un phénomène ni stable ni homogène, la lutte contre le racisme ne peut être fondée sur une stratégie unique. Définir strictement le racisme par la thèse de l’inégalité entre les races et la thèse du déterminisme héréditaire des aptitudes, thèses jugées scientifiquement fausses, c’est se vouer à ne définir l’antiracisme que par la thèse abstraite de l’égalité de toutes les cultures, alors même qu’émerge le nouveauracisme fondé sur l’absolutisation de la différence culturelle.
Le nouveau racisme idéologique se présente comme un culturalisme et un différentialisme, l’un et l’autre radicaux, prenant ainsi à revers l’argumentation antiraciste classique centrée sur la récusation du biologisme et de l’inégalitarisme, censés constituer les deux caractéristiques fondamentales du racisme doctrinal, auxquelles l’on croyait naïvement pouvoir opposer le relativisme culturel et le droit à la différence. Le principe de la métamorphose idéologique récente du racisme réside précisément dans le déplacement de l’inégalité biologique entre les races vers l’absolutisation de la différence entre les cultures. D’où la substitution, au thème classique de la « lutte des races », de la nouvelle évidence aveuglante du « choc des civilisations » ou celle de la fatalité des guerres ethniques ou des conflits identitaires.
Extraits de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.
Zep, le créateur de la fameuse de la BD "Titeuf" nous présente les valeurs de la République.
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